Œuvres
Biographie
Les tableaux de Jean-Charles Eustache sont peints à l’acrylique sur bois, avec une attention extrême portée sur la surface, presque diaphane, parfaitement mate, structurée par des grilles aux tons blanchâtres, pastellés, essentiellement faits de gris teintés laiteux. Son œuvre est circonscrite à de petits formats qui intiment à leur spectateur une attention aiguë, une proximité du regard avec la surface. Ses peintures entretiennent une relation très particulière au regard, à la manière dont une image s’inscrit, vibre, disparaît partiellement, s’affirme simultanément comme une vérité et comme un mensonge, se laisse circonscrire tout en s’échappant. Il y aurait en apparence deux grands moments au sein de son œuvre, moments souvent assimilés un peu hâtivement à une période figurative suivie d’une seconde période au cours de laquelle il se serait tourné vers l’abstraction. Il y aurait ainsi une première période – jusqu’en 2014 - consacrée à la représentation de souvenirs, à la remémoration de lieux et des paysages de Guadeloupe où il vécut les premières années de son enfance avant d’être envoyé en métropole, dans un institut pour malvoyants. Puis il y aurait, depuis 2015, une seconde période, marquée par un changement notable, où la figuration se serait mise en retrait au profit de peintures abstraites constituées de grilles, d’aplats colorés, de reliefs en trompe-l’œil.
Rien d’abstrait pourtant dans ces peintures. La peinture de Jean-Charles Eustache est une expérience de la proximité, du détail, de la fragilité. A leur propos, il évoque une « question de mesure et de fragmentation, de répétition et de variation, de recouvrement et d’emboîtement, de temporalité par l’écart entre différents éléments, de l’organisation des pleins et des vides, du jeu des ombres et de la lumière. » La peinture n’est pas une image, le rappeler n’est pas inutile car la beauté ne naît pas des images mais de la surface, de la profondeur, de la lumière, du récit d’un regard. Les images ont une surface mais leur surface s'abîme comme un navire au fond d’un océan. Nous sommes des marins impuissants sous un déluge d’images, nous ne voyons plus les vagues et cherchons en vain le ressac et la houle alors que nous sommes déjà noyés au fond des eaux. C’est sans doute la raison pour laquelle il est si beau de regarder ces œuvres qui s’emploient à mettre les images par-dessus bord, à bâtir les radeaux de fortune du regard, à refaire surface. Jean-Charles Eustache est peintre et ne produit aucune image. Ses peintures, à peine plus grandes que la main qui les a enfantées, offrent leur surface lisse et mate, digne d’un primitif italien vouant une passion inconditionnelle à ses étendues. Ses tableaux ne sont ni figuratifs ni abstraits et quand ils composent des grilles méticuleusement ordonnées, ils rendent compte d’un temps dédié à l’observation de murs ou de façades caressés par la lumière du soleil. On songe à Giotto, à Fra Angelico, à Piero della Francesca, à la tactilité des fresques décoratives géométriques en grisaille de la Villa Poppaea, près de Naples, au 1er siècle. La lumière se dépose, la durée s’est étirée à mesure que se délitait la flamboyance du soleil vers ses derniers vacillements de bougeoir. La lumière, ses modulations, ont lentement révélé les reliefs et les creux de la pierre, donnant une consistance de craie à la surface, aux heures, à l’insaisissable extinction du jour, faisant éclore l’imperceptible bleuissement de la surface, diminuant son léger rose églantine pour se teinter d’une couleur vespérale.
Jean-Charles Eustache est diplômé de l'Ecole d’Art de Clermont-Ferrand. Ses œuvres sont présentes dans de nombreuses collections publiques ainsi que privées (FRAC Auvergne, Centre national des arts plastiques, Fondation Colas). Elles ont été présentées au FRAC Auvergne qui lui a consacré une importante monographie en 2021 ainsi que dans de nombreuses expositions collectives (Musée Paul Dini, Musée de l’Abbaye Sainte-Croix, FRAC Auvergne, Fondation Vuitton, Centre d’Art Contemporain de Meymac, Le Magasin, Grenoble, Fondation d’Entreprise Ricard, Glassbox, Kunstraum Kreuzberg / Bethanien, Centre d’Art Contemporain Le Creux de l’enfer). Il est représenté par THE PILL depuis 2024 et par la Galerie Claire Gastaud depuis 2011. Il vit et travaille à Clermont-Ferrand.
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