No Party: Nadjib Ben Ali
En cours exhibition
Communiqué de presse
T H E P I L L® est heureuse d'accueillir la toute première exposition personnelle de Nadjib Ben Ali à la nouvelle adresse de la galerie à Paris, 4 Place de Valois, du 30 janvier au 1er mars 2025. Intitulée NO PARTY, l'exposition monographique rassemble un groupe d'œuvres récentes emblématiques des thèmes récurrents explorés par Nadjib Ben Ali, où la spectralité iridescente des jeux vidéo, des matchs de football, des vidéos hip-hop et de films gore et de slashers de série B rencontre le tragique dans ses formes contemporaines et historiques.
Nadjib Ben Ali se sert des écrans d’ordinateur ou de smartphone pour choisir ses images, les recadrer et les retraiter. Poussées à leurs extrémités lumineuses et chromatiques, les images ont vocation à être mises en retrait, à devenir des impulsions pour la peinture. Nadjib Ben Ali les déborde, les pulvérise et leur offre une dimension sensible, puissante, stridente, fondée sur une dramaturgie universelle qui appartient autant à celle des jeux du stade antique qu’à celle des grandes tragédies grecques ou shakespeariennes. Les joueurs de foot sont — littéralement — déjoués, mis en échec, rendus à l’état de fantômes ; leur devenir spectral se lit sur leurs visages irradiés de couleurs fauves et sur leurs nuques marquées du sceau de la fatalité. Le masque du tueur en série du film Halloween (John Carpenter, 1978), les clips du rappeur portoricain Bad Bunny, du duo français PNL, de la pop star espagnole Rosalía, les lumières de captures d’écrans de matchs de foot, sont la manifestation d’une pratique décomplexée, portée par une déhiérarchisation des catégories culturelles et par un mouvement de capillarité infiltrant la culture dite "mineure" vers la culture qualifiée de "majeure".
Un essai écrit par Jean-Charles Vergne accompagne l'exposition, positionnant le travail de Nadjib Ben Ali aux marges de l'histoire de la peinture en mettant en évidence des sources allant des maîtres classiques et du fauvisme à la « mauvaise peinture “, tout en incorporant des éléments de contre-culture et les registres les plus populaires. Ces références convergent pour évoquer un sentiment de pathos contemporain tragique :
“Nadjib Ben Ali se situe là, dans un espace particulier où la culture "basse" infiltre la culture "haute", à contre-courant, tel un saumon peu recommandable remontant le torrent là où on ne l’attendait pas. Les sujets inconciliables s’entremêlent et infiltrent ses tableaux : la nuque d’un footballeur devient analogique de celle du personnage central du Radeau de la Méduse (1818) de Théodore Géricault, les corps défaillants de sportifs, effondrés ou prostrés par l’échec, font écho à L’Homme mort (1864) d’Édouard Manet et leurs visages crépusculaires évoquent parfois les autoportraits de Léon Spilliaert. La surface de la peinture n’est pas une "surface de réparation" mais de "séparation" : isolement des figures, mise sous séquestre des orifices du visage par colmatage en aplats épais jointant les motifs et les corps dans une organicité palpitante poussant jusqu’à la répulsion. La peinture porte le tragique des visages des sportifs vers leur inéluctable disparition, une nouvelle célébrité chassant la précédente dans un mécanisme fatal de remplacement et de lissage. Les visages hébétés, en recueillement ou nerveusement tendus, les corps gisants ou affaissés de fatigue portent une histoire iconographique vaste qui s’étire des grands récits fondateurs aux scènes les plus actuelles et les plus humaines de la componction sans toutefois se départir d’une forme d’absurde — autre versant du tragique contemporain. Dans les peintures de Nadjib Ben Ali, tout semble joué — au sens tragique comme au sens théâtral du terme."
Nadjib Ben Ali est diplômé de l’École Supérieure d’Art et Design de Saint-Étienne en 2019. Ses expositions personnelles ont eu lieu à The Cabin, Los Angeles (2023, U.S.) et Le POCTB, Orléans (2022, France). Il a participé dans des expositions de groupe institutionnelles telles que Voir en peinture, MASC, Les Sables d’Olonne, Musée Estrine, Saint-Rémy de Provence et le Musée des Beaux-Arts de Dole (2023, France); Glad to take height and see the slow motion world, Jeune Création, Romainville (2021, France); Novembre à Vitry, Galerie municipale Jean Collet, Vitry-sur-Seine (2019, France); Le jour suivant, Cité du Design, Saint-Étienne (2019, France). Nadjib Ben Ali (né en 1994) vit et travaille à Paris.
Vues de l'exposition
Œuvres
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Nadjib Ben Ali, NO PARTY, 2024
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Nadjib Ben Ali, Are U Ready, 2024
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Nadjib Ben Ali, BUTYRIQUE, 2024
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Nadjib Ben Ali, HYBRID BIRTHDAY (Bluecut Mix), 2024
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Nadjib Ben Ali, MISKINAMENTÉ part III, 2024
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Nadjib Ben Ali, O&L (Bleu nuit), 2024
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Nadjib Ben Ali, TOURBILLON - LA GUITARE, 2024
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Nadjib Ben Ali, WELCOME TO CHOUINEVILLE, 2022
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Nadjib Ben Ali, NUIT BLANCHE (Cropped Version), 2024
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Nadjib Ben Ali, METEOROLOGYK, 2023
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Nadjib Ben Ali, Kinda Blurry, 2024
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Nadjib Ben Ali, HAZMATIK (les flammes), 2024
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Nadjib Ben Ali, ENERGyyK, 2024
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Nadjib Ben Ali, en STATUE, 2024
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Nadjib Ben Ali, CLAIRE-SEUM (lil'extended), 2024
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Nadjib Ben Ali, CATARACTATTACK, 2024
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Nadjib Ben Ali, MAIS-QU'EST CE QU'UN REDFLAG(PHANTOM), 2024
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Nadjib Ben Ali, HYBRID BIRTHDAY (TROPICAL MIX), 2024
Exhibition Text
Nadjib Ben Ali appartient à une génération de peintres dont les sources puisent aux marges de l’histoire de la peinture. Si les maîtres des siècles précédents constituent une référence, si le fauvisme et la bad painting imprègnent les surfaces et que ses grandes compositions évoquent parfois la peinture d’histoire, son œuvre se nourrit aussi de contre-culture (notamment incarnée par le peintre américain Ed Paschke) et de références puisées dans les registres les plus populaires. Le masque du tueur en série d’Halloween (John Carpenter, 1978), les clips du rappeur portoricain Bad Bunny, du duo français PNL, de la pop star espagnole Rosalía, les lumières iridescentes de captures d’écrans de matchs de foot, sont la manifestation d’une pratique décomplexée, portée par une déhiérarchisation des catégories culturelles et par un mouvement de capillarité infiltrant la culture dite «mineure» vers la culture qualifiée de «majeure».
Nadjib Ben Ali regarde les matchs de football, pratique les jeux vidéo, se nourrit de clips de rap et de hip-hop, est amateur de films gore et de slashers de série B. Tout ceci passe par les écrans d’ordinateur ou de smartphone dont il se sert pour choisir ses images, les recadrer et les retraiter. Retraiter prend ici tout son sens: poussées à leurs extrémités lumineuses et chromatiques, les images ont vocation à être mises en retrait, à devenir des impulsions pour la peinture, non pas dans une finalité de reproduction – fascination vaine pour l’imagerie technologique – mais pour les inverser, les ruiner comme Hubert Robert ruina l’image du Louvre en extrapolant sa décrépitude dans une peinture dystopique (La Grande Galerie du Louvre en ruines, 1796). Après avoir méticuleusement choisi et manipulé ses images, Nadjib Ben Ali les déborde, les pulvérise et leur offre une dimension sensible, puissante, stridente, fondée sur une dramaturgie universelle qui appartient autant à celle des jeux du stade antique qu’à celle des grandes tragédies grecques ou shakespeariennes. Les joueurs de foot sont déjoués, rendus à l’état de fantômes, et leurs têtes elles-mêmes ont parfois davantage à voir avec une Décollation de Saint Jean-Baptiste du Caravage (1608) qu’avec une entreprise de glorification ou d’héroïsme. Le devenir fantôme des joueurs de football se lit sur leurs nuques marquées du sceau de la fatalité (Welcome to Chouineville, 2022), auréolées d’un tragique appuyé par la solitude qui émane de leurs visages irradiés de couleurs fauves. Leurs faces décomposées par les couleurs iridescentes et acides évoquent les représentations les plus sépulcrales où l’image de foot fraye avec celle du film d’horreur (Ô Dodo, 2024, ou en STATUE, 2024).
Nadjib Ben Ali se situe là, dans un espace particulier où la culture «basse» infiltre la culture «haute», à contre-courant, tel un saumon peu recommandable remontant le torrent là où on ne l’attendait pas. Les sujets inconciliables s’entremêlent et infiltrent ses tableaux : la série Miskinamenté reprend le masque du tueur d’Halloween ou de Jason dans Vendredi 13 (Sean Cunningham, 1980) tout en se référant à sa reprise dans le clip du titre Simba de PNL ; la nuque d’un footballeur devient analogique de celle du personnage central du Radeau de la Méduse de Théodore Géricault (No Party, 2024), les corps défaillants des sportifs, effondrés ou prostrés par l’échec font écho à L’Homme mort d’Edouard Manet (TOURBILLON, 2024), leurs visages crépusculaires évoquent les autoportraits de Léon Spilliaert (CCTVision, 2024). La surface de la peinture surjoue l’idée de surface, n’est pas une «surface de réparation» mais de «séparation» : isolement des figures, mise sous séquestre des orifices du visage par colmatage en aplats épais (CATARACTATTACK, 2024 ou Hybrid Birthday (Bluecut Mix), 2024). Parfois, Nadjib Ben Ali utilise des mélanges constitués d’un agglomérat impur de couleurs beige/orangé/jaunâtre/bleuâtre grossièrement badigeonné auquel il donne le nom de «beurre» ou de «margarine», sorte de liant répulsif, de cartilage pictural impie jointant les motifs et les corps dans une organicité palpitante poussant jusqu’à la répulsion.
Les visages hébétés, en recueillement ou nerveusement tendus, les corps gisants ou affaissés de fatigue portent une histoire iconographique vaste qui s’étire des grands récits fondateurs aux scènes les plus actuelles et les plus humaines de la componction, de l’intériorité, de l’existence, sans toutefois se départir d’une forme d’absurde – autre versant du tragique contemporain – par le choix de titres à contre-emploi. Ainsi en va-t-il de Welcome to Chouineville, contraction du verbe «chouiner» et de «ville» pour qualifier une complaisance à la lamentation qu’illustrent pour lui les joueurs de football effondrés et grimaçant au sol pour simuler la faute d’un adversaire.
Qu’il s’agisse de figures empruntées aux clips de rap, de visages monstrueux de films d’horreur ou de figures héroïques déchues de sportifs, le tragique se loge subrepticement dans les interstices, entre les couleurs boostées, rappelant les confidences de Zinedine Zidane dans le film que lui ont consacré Philippe Parreno et Douglas Gordon (Zidane, un portait du XXIe siècle, 2006) : “Sometimes when you arrive in the stadium, you feel that everything has already been decided”. Dans les peintures de Nadjib Ben Ali, tout semble joué – au sens tragique comme au sens théâtral du terme – et dans ses tableaux se joue «cette part de théâtre, d’illusion et de hasard qu’on n’enlève pas à la vie sans la mutiler.*»
* Jean-Marie Domenach, Le Retour du tragique, Paris, Seuil, 1967, p.285.
Jean-Charles Vergne
Presse