EVA NIELSEN

​​À la fois cinématographiques, architecturales et géologiques, les peintures d'Eva Nielsen sont composées de fragments de l'environnement construit, de paysages désolés et une architecture utopique entrelacés à travers des couches d'opacité et de transparence. Des échelles et des perspectives multiples coexistent, se nient et se déplacent les unes et les autres dans l'indétermination dynamique des lignes de fuite et des projections fragmentées, attirant simultanément l'œil et l'esprit du spectateur sur la densité matérielle de la peinture elle-même et sur la matière affective de l'expérience contemporaine.

L'artiste a constamment porté son regard sur les zones interstitielles de la banlieue en tant que non-lieux liminaux, vestiges de projections d’utopies passées : paysages en mouvement vus à travers des fenêtres et des grilles obstruées, terrains de jeux vides, fragments d'infrastructures, cabanes en bois et résidences secondaires abandonnées. En combinant des techniques de sérigraphie avec de l'huile, de l'acrylique et de l'encre sur toile, le processus de Nielsen est celui de fragmentations consécutives, de dissimulations et de révélations, positionnant l'œuvre finale à la fois comme réserve et résidu à la recherche d'une fiction picturale capable de contenir de multiples récits et temporalités. Rendus par une superposition de capture photographique, de peinture de genre et de techniques d'assemblage, ces paysages subliminaux offrent une vue kaléidoscopique sur le projet moderniste dans toutes ses contradictions et parviennent à une semblance de mouvement arrêté. Une histoire alternative de l'aménagement territorial et de l'environnement construit émerge, touche nos souvenirs les plus intimes et frôle le sublime.

Eva Nielsen met en tension l’image sérigraphiée, soigneusement fracturée et réarticulée en images disjointes, avec les substrats peints, révélant à la fois l'écran à l'intérieur du cadre de l'image et introduisant une dimension temporelle par laquelle l'image atteint nos yeux et notre esprit comme une prise de vue accélérée. Dans ses œuvres les plus récentes, l’artiste complète la toile en tendant une couche finale d'impression sur tissu de soie, faisant écho à la technique de sérigraphie à la couche de base et augmentant la qualité textilique de la peinture. Elle introduit des souvenirs pérphériques, des figures humaines et des postures corporelles dans sa vision de la périphérie. Les traces laissés par le tissu froissé traversant la peinture apparaissent comme un substrat supplémentaire de lignes de fuite, mettant à distance l'image. Le passage du temps, à travers l'usure et la déchirure, est à nouveau à l'œuvre ici. À travers tous ces substrats et microgestes, le travail d'Eva Nielsen culmine en une forme de peinture qui dépasse son propre médium, reste réceptive au regard des spectateurs et déborde dans l'imagination, comme la métaphore d'une topographie de la mémoire prise entre la fiction et les traces matériellement inscrites.

Artiste française d’origine danoise, Eva Nielsen (1983, Les Lilas) vit et travaille à Paris, France. Parmi ses expositions personnelles passées et à venir figurent SpectroGéographies (avec la curatrice Marianne Derrien), Exposition du Prix BMW (Rencontres d’Arles & Paris Photo 2023); INTARSIA Exposition de Résidence, LVMH Métiers d'Arts (Paris, 2022); Hypersurface, Le Point Commun, (Annecy, 2020); Evergreen Plaza, Maison Salvan (Labège, 2019); Hard Sun, The Cabin, (Los Angeles, 2017);  The Inventory, LKV, (Trondheim, 2012). Ses oeuvres ont fait partie des expositions de groupe telles que la 16e Bienale de Lyon – Manifeste de Fragilité (2022); Horizones, Exposition du Prix de la Fondation Pernod Ricard (Paris, 2022); Spring, Fondation Thalie (Bruxelles, 2021); Fragments Ephémères, Fondation Schneider (Wattwiller, 2020); Persona Grata ?, MAC VAL (Lyon, 2019), Paroxysm of Sublime, LACE (Los Angeles, 2019), Recto-Verso #2, Fondation Louis Vuitton (Paris, 2018); Visions, Plymouth Contemporary (Plymouth, 2017); Painting, She said, Musée de Rochechouart (Rochechouart, 2015) et Spring Exhibition, Kunsthal Charlottenborg (Copenhagen, 2013). 

Le travail d’Eva Nielsen a été récompensé de nombreux prix et résidences: LVMH Métiers d’Arts (2021), Grand Prix de la Tapisserie d’Aubusson (2017), Prix Art Collector (2014) et Prix des Amis des Beaux-Arts/Thaddaeus Ropac (2009). L’artiste a été présélectionné au prix AWARE (2017), Prix de résidence de la Fondation Salomon (2015) et Prix Science Po pour l’art contemporain (2010). Son travail fait partie de plusieurs collections publiques et privées dont MAC VAL, FMAC, le Musée de Rochechouart, CNAP, la Fondation Fiminco, FRAC Auvergne et la  Fondation François Schneider.